L’Union des Artistes anime, avec le Trait de l’Union, un espace de rencontres autour de thèmes spécifiques à nos métiers.

Cette initiative est destinée à faire s’entrecroiser les générations, leurs univers, leurs expériences, leurs pratiques et aussi leurs désirs.


Jeudi 27 février 2020

à LA POP (anciennement la Péniche Opéra)

avec le soutien de la POP

L'art lyrique dans tous ses états : regard sur des carrières d'exception

Soirée construite autour de deux artistes lyriques : Françoise Pollet et Barbara Hannigan.


Projection de deux documentaires :

Secret lyrique d'Emmanuelle Fruchard et C'est presque le bout du monde de Mathieu Amalric, suivie d'un temps d'échanges.

LE TRAIT DE L'UNION

SORTIE OFFICIELLE
Lundi 10 février 2020

sort le coffret DVD du documentaire de Daniel Cling produit par TS Productions - l'Union des Artistes - La Huit Edition


Une aventure théâtrale - 30 ans de décentralisation

Portée par des comédiennes et des comédiens,

des metteurs en scène, des techniciens, des auteurs, du public,

des élus, la décentralisation théâtrale fut pionnière et plurielle,

vivante et populaire. En allant à la rencontre

de ceux qui ont consacré une partie de leur vie à la faire exister,

"Une aventure théâtrale" raconte les trente

première années de cette histoire unique.


Coffret comprenant le film et un livret de 32 pages spécialement écrit et réalisé par

l'Union des Artistes, intitulé Petit précis d'histoire de la décentralisation.

Ce document a été écrit pour l'Union des Artistes par Aristide Demonico (secrétaire général de 2002 à 2015). Arlette Téphany (présidente),

Joëlle Brover (trésorière) et Georges Goubert (cofondateur de la comédie de l'Ouest) l'ont relu avec attention et amitié.


On peut d'ores et déjà l'acquérir via la Boutique DVD de La Huit Production à l'adresse :

www.lahuit.com/fr/nouveautes



ACTUALITÉ
UNE AVENTURE THÉÂTRALE - 30 ANS DE DÉCENTRALISATION
Avril 2017
de Daniel CLING (100 minutes)

Une production TS Productions et l’Union des Artistes

En coproduction avec Bix Films, Paris-Brest Productions, avec la participation de Vosges Télévision et Rennes Cité Média et le soutien de l’Adami, d’Audiens et du ministère de la Culture. Avec l’aide du Centre national du cinéma et de l’image animée.


En décidant d'entreprendre ce film sur la décentralisation, la volonté de l'Union des Artistes était de faire le récit d'une belle aventure théâtrale qui vaut d'être connue et de la porter à la connaissance du plus grand nombre. En particulier de tous ceux qui se destinent aux métiers du théâtre.

Notre désir était de mettre en lumière les idées et les objectifs généreux qui animaient les acteurs de cette aventure collective et le sens de leur engagement, dont ils avaient souvent une haute conscience.

Dans le contexte actuel où ces valeurs se sont bien émoussées, il est urgent de dire et de donner à voir la joie et le plaisir qu'elles procurent quand elles sont le moteur de notre pratique théâtrale.
Il n'est qu'à regarder les témoignages recueillis : l'ardeur et l'enthousiasme rayonnent sur les visages et illuminent littéralement le film.


>> REGARDER LA BANDE-ANNONCE

>> REVUE DE PRESSE (extrait)

>> ENTRETIEN AVEC LE  RÉALISATEUR
DATES ET LIEUX DE PROJECTION


PROJECTIONS PASSÉES :
ÉPINAL - 17 décembre 2017 (pour les 40 ans des ATP des Vosges)
CAEN - 28 novembre 2017 @ Panta Théâtre + Comédie de Caen
ROBION - 25 novembre 2017 @ Mois du cinéma documentaire
LILLE - 11 novembre 2017 @ Citéphilo
AIX-EN-PROVENCE - 9 novembre 2017 @ Amis du Théâtre Populaire
BORDEAUX - 4 octobre 2017 @ Théâtre National de Bordeaux
ST-DENIS (La Réunion) - 30 septembre 2017 @ CDN de l'Océan Indien
COLMAR - 30 septembre 2017 (pour les 70 ans du CDN)
MASSILLY - 9 septembre 2017
AVIGNON - 18 juillet 2017 @ Cinéma Utopia-Manutention
AVIGNON - 13 juillet 2017 @ La Nef des images
PARIS - 30 mai 2017 @ SACD
PARIS - 3 avril 2017 @ Cinéma Les 7 Parnassiens


PROJECTIONS À VENIR :
Les dates seront annoncées prochainement

REVUE DE PRESSE


"Avec Une aventure théâtrale : 30 ans de décentralisation, Daniel Cling signe un documentaire de grande qualité, qui retrace près de trente-quatre ans de décentralisation théâtrale. Les écueils étaient nombreux, tant la masse d’archives et d’acteurs pouvaient provoquer un éparpillement des problématiques, au risque de perdre le spectateur. La clef ? Une narration fluide, guidée par un témoin et protagoniste de l’histoire, tissée par des rencontres aux quatre coins de la France.


Comment rendre compte de cette formidable aventure que fut la décentralisation dramatique ? Entre 1947 et 1981, des comédiens, metteurs en scènes, techniciens et auteurs furent saisis d’un désir puissant de porter l’acte théâtral au-delà des sphères traditionnelles, essentiellement parisiennes, vers un public renouvelé et jusque-là exclu.


L’histoire de la décentralisation par ceux qui l’on faite

Cette aventure s’apprêtait à tomber progressivement dans l’oubli, du fait de la mort progressive des personnalités qui ont fait cette histoire et malgré les travaux importants – en quatre volumes – publiés par Robert Abirached. En quelque 100 minutes, Daniel Cling réussit le délicat pari de nous entraîner sur les traces vivantes de ce qui constitua une série de révolutions dans le monde du spectacle vivant.

Ce documentaire, initié et produit par l’Union des Artistes, raconte ainsi l’histoire de la décentralisation par ceux qui l’ont faite. Près d’une quarantaine de personnalités sont convoquées, au fil des rencontres menées par l’un des acteurs de la décentralisation : Philippe Mercier. Il a huit ans lorsque débute la décentralisation, dix-sept au moment de rejoindre l’aventure, avec la Comédie de l’Ouest. Au carrefour des générations, Philippe Mercier tisse une vaste toile de rencontres, qui laissent progressivement entrevoir l’importance et l’ampleur d’un tel mouvement.


Un théâtre exigeant pour tous

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs figures du monde théâtral éprouvent le besoin de reproduire l’exemple des Copiaux, ce groupe fondé par Jacques Copeau qui quitta Paris dans les années 20 pour s’installer en Bourgogne. Parmi eux, le gendre du fondateur du théâtre du Vieux-Colombier : Jean Dasté.

Influencés par l’éducation populaire et un catholicisme social, plusieurs troupes partent à la rencontre de nouveaux publics. Les responsables s’appellent Jean Dasté à Saint-Étienne, André Clavé à Colmar, Maurice Sarrazin à Toulouse… La situation est précaire, leur créativité artistique et humaine sans limite : ils promeuvent un théâtre exigeant, des répertoires inédits, une relation de proximité avec leur public.


Au commencement était un désir…

Le film s’ouvre avec le magnifique témoignage de Françoise Bertin, qui meurt peu après le tournage, en 2014. Compagne artistique de Jean Dasté, elle raconte les délicates premières années de ce qui allait devenir la Comédie de Saint-Étienne, entre les tournées de bar du metteur en scène pour aller chercher le public et la situation précaire dans laquelle il vivait. Comme en écho, le témoignage d’Isabelle Sadoyan en fin de documentaire évoque les mêmes difficultés, lorsque Roger Planchon ouvre un théâtre à Villeurbanne.

Daniel Cling ne se perd pas dans les nombreuses archives qui existent sur cette période mais les emploie au contraire avec finesse et parcimonie, pour améliorer la fluidité de la narration ou mettre en exergue le sens de son propos. Saluons au passage le travail de la monteuse, Anne-Marie Leduc, avec qui le réalisateur travaille depuis une vingtaine d’années.


Dans l’intimité de la rencontre

Trois périodes se dégagent ainsi nettement dans l’histoire de la décentralisation : l’âge enthousiaste des pionniers, entre 1947 et 1959, l’époque des héritiers, accompagnés par André Malraux, entre 1959 et 1968, suivie enfin de l’ère des créateurs tout-puissants, de 1968 à 1981. Le basculement s’opère avec la disparition des troupes dans les institutions, au profit des seuls metteurs en scène.

Outre l’intérêt historique évident du documentaire, sa force réside dans cette série de rencontres menées par Philippe Mercier, qui nous fait entrer dans l’intimité des protagonistes de l’aventure. Dans un salon, au cours d’un dîner ou derrière un bureau, chacun livre sa vision du phénomène, entre anecdotes et principes fondateurs. La caméra mobile favorise cette intimité, par le dispositif du champ-contrechamp privilégié par Daniel Cling, auquel vient s’ajouter la foisonnante musique de Jonathan Harvey.


Raccorder le passé au présent

Loin d’être nostalgique, ce film raccorde le passé au présent, comme pour mieux nous inviter à faire nôtre cette histoire, susceptible d’irriguer de nouveau la création et le fonctionnement du théâtre aujourd’hui – contre la logique marchande véhiculée par un néolibéralisme impérialiste.

Ce film est une incontestable réussite, à montrer dans toutes les écoles de théâtre et dans les institutions héritières de cette intuition inégalable et inégalée. Le film sera projeté, le 12 juillet prochain à 18h, à la Nef des images du festival d’Avignon, avant une sortie en salles – espérons-le – à l’automne prochain, puis une édition DVD."

Pierre Monastier
(Article paru le 31 mai 2017 in www.profession-spectacle.com)
FILM
Robert ABIRACHED
Robert ABIRACHED
Françoise BERTIN
Françoise BERTIN
Roland BERTIN
Roland BERTIN
Émile BIASINI
Émile BIASINI
Catherine DASTÉ
Catherine DASTÉ
Jean DASTÉ
Jean DASTÉ
Sonia DEBEAUVAIS
Sonia DEBEAUVAIS
Pierre DEBAUCHE
Pierre DEBAUCHE
Général DE GAULLE
Général DE GAULLE
Aristide DEMONICO
Aristide DEMONICO
Jacques FORNIER
Jacques FORNIER
Gabriel GARRAN
Gabriel GARRAN
Hubert GIGNOUX
Hubert GIGNOUX
Georges GOUBERT
Georges GOUBERT
Jean-Louis HOURDIN
Jean-Louis HOURDIN
Evelyne ISTRIA
Evelyne ISTRIA
Jacques KRAEMER
Jacques KRAEMER
Jean-François LAPALUS
Jean-François LAPALUS
Jacques LASSALLE
Jacques LASSALLE
Jeanne LAURENT
Jeanne LAURENT
René LOYON
René LOYON
André MALRAUX
André MALRAUX
Philippe MERCIER
Philippe MERCIER
Gabriel MONET
Gabriel MONET
Guy PARIGOT (ici avec Roger GUILLO)
Guy PARIGOT (ici avec Roger GUILLO)
Roger PLANCHON
Roger PLANCHON
Jack RALITE
Jack RALITE
Guy RÉTORÉ
Guy RÉTORÉ
Isabelle SADOYAN
Isabelle SADOYAN
Maurice SARRAZIN
Maurice SARRAZIN
Christian SCHIARETTI
Christian SCHIARETTI
Bernard SOBEL
Bernard SOBEL
André STEIGER
André STEIGER
Arlette TÉPHANY
Arlette TÉPHANY
Pierre VIAL
Pierre VIAL
Jean VILAR
Jean VILAR
Hélène VINCENT
Hélène VINCENT
Jean-Pierre VINCENT
Jean-Pierre VINCENT
Antoine VITEZ
Antoine VITEZ
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L'UNION DES ARTISTES EN DEUIL
Arlette Téphany, notre Présidente, nous a quittés le mardi 31 juillet 2018.
Pendant près de quinze années elle a présidé notre association avec une fine intelligence. Avec l’élégance naturelle qui la caractérisait, elle a allié rigueur et bonhommie, vigilance et dynamisme joyeux. Amicale et fraternelle, mordante parfois et pleine d’humour, elle a su imposer sa belle nature, faisant l’unanimité au sein de l’Union.

C’est bien plus qu’une présidente que nous perdons avec elle, c’est une amie.

Arlette est née, pourrait-on dire, dans le théâtre auquel elle a consacré toute sa vie active. Comédienne et metteuse en scène, ardente militante du théâtre public, c'est dans le théâtre public qu'elle a accompli l’essentiel de sa carrière.

A sa sortie du conservatoire national d’art dramatique elle rejoint la Guilde de Ménilmontant, compagnie amateur fondée par Guy Rétoré. C’est le moment d’une certaine réactivation de la décentralisation voulue par André Malraux (création des Maisons de la culture, de troupes permanentes). La compagnie s'installe dans un ancien cinéma de la place Gambetta, elle prend le nom de Théâtre de l'Est parisien (TEP) et devient troupe permanente. Le TEP est promu centre dramatique national (CDN) en 1966 puis Théâtre national en 1972.

Durant cette période, Arlette collabore ardemment au développement de la compagnie. Amoureuse des textes, elle met son talent de comédienne au service des plus grands auteurs, classiques et modernes, interprétant souvent les premiers rôles.

Arlette chante également. Elle chantera au cabaret et enregistrera des chansons de Boris Vian.

C'est dans les années 70 qu'elle rencontre Pierre Meyrand, qui deviendra son mari. Ensemble, ils fondent la compagnie Théâtre en liberté avec Jacques Téphany, frère d'Arlette et sa femme Dominique Vilar. Et ensemble ils se voient confiée la direction du Théâtre de Chelles où ils montent une trentaine de pièces en dix ans.

En 1986 le ministère nomme Arlette à la direction du CDN de Limoges en compagnie de Pierre Meyrand. Première femme à être appelée à la direction d'un centre dramatique national. C’est le début d’une nouvelle aventure. Arlette et Pierre rebaptisent avec humour le centre "La Limousine", inaugurée avec une mise en scène d'Arlette, et se lancent avec fougue dans la création théâtrale, la conquête et l’élargissement du public. Leur travail et leur talent seront récompensés entre autres par un succès public et l’obtention de trois Molière pour le spectacle Les affaire sont les affaires d'Octave Mirbeau dont ils ont confié la mise en scène à Régis Santon..

De retour à Paris en 1995, ils auront juste le temps de créer et de faire vivre la compagnie ATPM (Arlette Téphany-Pierre Meyrand) avant le décès de Pierre.

Arlette continue... Militante dans l'âme, elle donne généreusement de son énergie au Syndicat français des artistes interprètes. Arlette continue. Elle met en scène et joue de nombreux spectacles. Ceux d'entre nous qui ont eu la chance de la voir se souviendront longtemps de son interprétation sobre et bouleversante d'humanité de La douleur de Marguerite Duras.

Riche et généreuse, Arlette ne garde pas pour elle son expérience, elle partage. Elle se met à enseigner. Elle transmet avec passion. Dans le cadre du cours Jean Périmony, et jusqu'à la fin, elle enseignera la diction et la tragédie à "ses petits élèves", ainsi qu’elle les a toujours appelés.

En 2005 Arlette Téphany devient Présidente de l'Union des Artistes, ce qui n’est pas anodin dans une association particulièrement masculine depuis sa création.

Le duo qu'elle formera avec Aristide Demonico, secrétaire général jusqu'à 2015, sera dynamique, inventif... et productif. Ainsi, sous la présidence d’Arlette Téphany et à travers rencontres, études sociologiques, cinéma, recherches historiques, l'Union aura-t-elle su développer et remplir sa mission de transmission de l’histoire et de solidarité intergénérationnelle.

On peut retrouver Arlette dans Une histoire théâtrale - 30 ans de décentralisation, le film documentaire de Daniel Cling à l’initiative de l'Union des Artistes sorti en 2017, dans lequel elle raconte remarquablement le pourquoi de son engagement dans le théâtre et la décentralisation théâtrale.

Sa longue silhouette élégante et digne même dans la souffrance, son sourire, son regard généreux sur autrui, sa rage et son bonheur de vivre, son intégrité restent pour nous un bel exemple. Un modèle.

Un hommage lui sera rendu à Paris vers le mois d’octobre.

Pour l'Union des Artistes
Aristide Demonico et Joëlle Brover

ENTRETIEN AVEC DANIEL CLING


"Daniel Cling vient de terminer un documentaire réussi sur la décentralisation intitulée : Une aventure théâtrale, 30 ans de décentralisation (1947-1981). Le réalisateur nous entraîne dans un voyage géographique et historique tissé de rencontres et de souvenirs. Le film sera projeté au festival d’Avignon le mercredi 12 juillet, à la Nef des images, dans le cadre des journées de la décentralisation qui fête son 70e anniversaire. Une sortie en salles est prévue pour l’automne prochain.


Comment a commencé l’aventure du documentaire sur la décentralisation, dont nous fêtons le 70e anniversaire cette année ?

L’Union des Artistes me contacte il y a cinq ans pour faire un film sur la décentralisation à partir de ceux qui l’ont faite, qui ont contribué à la faire exister. Ce fut un gros travail de recherche, d’écriture, d’enquête, de visionnage d’archives… J’ai ensuite commencé à écrire, processus accéléré en raison des décès qui survenaient : Gabriel Monnet et André Steiger étaient morts, Maurice Sarrazin était malade, Françoise Bertin est décédée peu après…

Le témoignage de Françoise Bertin est magnifique. En la plaçant en début de film, tu installes d’emblée une narration tissée par les rencontres. Cette narration est-elle venue naturellement ?

J’ai rapidement eu l’intuition que ce devait être un film, non de paroles, mais de rencontres. Il fallait trouver quelqu’un qui puisse être au croisement des générations : d’où le choix de Philippe Mercier, qui a vécu cette histoire depuis Rennes où il a commencé à l’âge de 17 ans. Il connaissait presque tous ceux que nous avons rencontrés, si bien que les discussions devenaient parfois des retrouvailles entre amis. Nous avions vraiment à cœur de réaliser un film qui parle d’un temps dont personne n’avait alors mesuré la portée. L’histoire est toujours racontée par les capitaines ; dans l’aventure de la décentralisation, nous avons également laissé la parole aux anonymes : Bernard Sobel et Jean-Pierre Vincent côtoient Aristide Demonico, Françoise Bertin, Arlette Téphany…

Dans ton film, les archives sont apportées délicatement, avec parcimonie et finesse… Comment les as-tu intégrées au montage ?

Le dispositif imaginé à l’origine est simple : Philippe Mercier se promène dans toute la France à la rencontre des artistes. À ce premier dispositif s’ajoute un second, propre au cinéma : le champ-contrechamp, avec une caméra mobile attentive à la relation entre les personnes. Dès l’écriture, j’ai mené un travail de recherches dans les archives, que j’ai affiné et complété après les rencontres, en fonction des souvenirs énoncés.

Le travail de montage consiste à faire progresser non seulement le récit, mais encore le sens. Car l’histoire de la décentralisation est plurielle : chronologique, historique, politique, artistique… Tous les dix ans, entre 1947 et 1981, un bouleversement de l’art théâtral s’opère. Il nous a fallu vingt semaines de montage, ce qui correspond au temps de montage d’une fiction. Anne-Marie Leduc, avec qui je travaille depuis près de vingt ans, a fait un formidable travail ; elle apporte une intelligence et un savoir-faire dans la capacité narrative de l’histoire.

Dans ton film, tu énonces deux parties explicites : les pionniers et les héritiers. Personnellement, j’en verrais trois : il y a tout d’abord le primat d’une vision philosophique et humaniste, manifeste chez les pionniers, qui se transforme progressivement en une vision essentiellement politique, avec l’investissement des banlieues, avant le surgissement de créateurs omnipotents, qui font basculer le théâtre dans un monde où la communication et l’économie occupent la première place.

Je suis d’accord avec toi pour dire qu’il y a trois parties. En revanche, je ne les distinguerais pas comme tu le fais. Je pense que la première partie est effectivement centrée sur les pionniers, ceux qui sont inspirés par les idéaux de l’entre-deux guerres, de Jacques Copeau, de l’éducation populaire, de ce qui vient même de plus loin, de Firmin Gémier… Au lendemain de la guerre, cette génération veut « balayer », comme le dit Jacques Fornier, le souvenir de la guerre, les images de la déportation. Ils sont animés par les valeurs du Conseil National de la Résistance, pétris à la fois d’éducation populaire et de catholicisme social. Ils prennent le flambeau de la décentralisation et, pendant une quinzaine d’années, essaiment sur le territoire, forment un public, font rayonner le théâtre du cartel, avec l’appui des pouvoirs publics, grâce surtout à Jeanne Laurent.

Avec l’arrivée d’André Malraux est lancé un projet très ambitieux sur toute la France : les Maisons de la culture. Ce projet coïncide, au début des années 60, avec la décentralisation en banlieues. Malraux introduit, comme le dit Robert Abirached, l’art dans la culture : il fait ainsi entrer une dimension métaphysique, particulièrement manifeste dans son magnifique discours à Bourges en 1964. Cette deuxième période de la décentralisation couvre ainsi les années 1959-1968.

Après Mai 68 arrive une forme d’individualisme, avec le concept du « pouvoir aux créateurs ». Lorsque Valéry Giscard d’Estaing est élu à la présidence de la République, il nomme Michel Guy secrétaire d’État à la culture. Celui-ci se débarrasse progressivement des troupes et impose que les nouveaux directeurs prennent la tête d’institutions sans troupe. Les outils de la décentralisation deviennent alors des outils au service d’un homme et non plus d’une équipe. Valéry Giscard d’Estaing utilise la culture de façon assez moderne ; cela fait venir des entreprises, des cadres… La décentralisation théâtrale a finalement été pionnière de la décentralisation administrative.

Comment cette volonté politique de Michel Guy fut-elle reçue par les artistes ?

Il y a un certain nombre de metteurs en scène qui étaient prêts à endosser le rôle fixé par Michel Guy. D’autres se sont en revanche inscrits en faux : Jean-Pierre Vincent prend la direction de Strasbourg, avec l’interdiction d’avoir une troupe ; il en installe une dès son arrivée, en 1974 ! Parce que Jean-Pierre Vincent est convaincu qu’il n’y a pas d’aventure théâtrale majeure sans l’existence d’une troupe.

Il y a aujourd’hui de nouveaux publics que le théâtre ne touche pas, ou très peu. Je pense par exemple aux classes moyennes inférieures, peu réceptives à la création contemporaine. Qu’est-ce que la décentralisation théâtrale peut nous apprendre à ce sujet ?

L’idée première de la décentralisation, qui est de faire venir au théâtre des gens qui n’y viennent pas, de leur faire découvrir un répertoire qu’ils ne connaissent pas, reste d’actualité. Certes, les enjeux contemporains sont différents de ceux des années 40 à 70. Il est toutefois essentiel de retrouver cette volonté de faire un travail de terrain, d’aller conquérir des publics, de leur faire découvrir des choses exigeantes…

Nombre de théâtres s’y emploient… sans toujours y parvenir.

La question est : comment conquiers-tu ton public ? Est-ce que tu le fais de manière marketing ou humaine ? Dans le film, Hélène Vincent, René Loyon et Jacques Kraemer le disent très justement : la troupe est ce qui permet d’aller humainement vers le public. Les comédiens qui arrivent dans un théâtre, pour un spectacle, n’ont pas de relation avec le public. Les théâtres engagent donc des responsables de communication, des chargés de relations avec les publics, etc. La nature de la relation change nécessairement. Ce que nous pouvons retenir de ces pionniers et de leurs héritiers directs, c’est qu’ils ont accompli un travail remarquable à destination des publics, ce que nous avons un peu perdu de vue aujourd’hui.

En faisant de ton film une succession de rencontres, tu joues ainsi avec le sujet même de ton documentaire, c’est-à-dire avec l’essence de la décentralisation, qui est la proximité des comédiens avec le public.

J’ai une sympathie pour les personnes que je filme. Ce qui m’a frappé dans le cadre de ce documentaire, c’est que tous les artistes rencontrés ont au cœur un certain type de relation au public, sauf un Bernard Sobel, qui ne se fait pas d’illusion sur la capacité de son public de banlieue à s’intéresser à son travail ; il juge qu’il n’y a pas de raison d’imposer une culture à une population qui en a une autre, tout aussi importante. Sauf un Jean-Pierre Vincent, qui pense qu’on peut convaincre les gens par l’art. Il y a des discours différents qui émergent, dans les années 60. Mais l’idéal de la relation au public demeure ; il est la marque de cette décentralisation.

La question n’est-elle pas celle de la finalité du théâtre, à savoir : pour qui travaillons-nous, pour l’art ou pour le public ?

Cette interrogation centrale occupe toute l’histoire théâtrale depuis soixante-dix ans ; elle est celle que pose Maurice Sarrazin dans le film. Jean-Pierre Vincent, lorsqu’il arrive à Strasbourg, réunit l’ensemble du personnel et leur dit : laissez-nous faire notre travail, et vous, faites-le vôtre en faisant venir du public. C’est une façon de concevoir le théâtre qui se respecte.

Mais qui n’est déjà plus en adéquation avec l’esprit des pionniers…

Cet exemple nous montre à la fois les limites de cette relation au public, en même temps que les vertus des nouvelles visions : Jean-Pierre Vincent a incontestablement fait progresser l’art du théâtre. Ce débat entre un théâtre pour l’art et un théâtre pour le public est sain. Il existe encore, mais rarement posé dans les bons termes. Le film permet de pointer du doigt ce qui s’est fait à une époque : cette volonté de conquérir le public, volonté qui s’est progressivement effritée.

Avec l’arrivée de l’individualisme, d’une sorte de sacralisation du créateur ?

Oui. Il y a des personnalités qui émergent, à commencer par celle de Patrice Chéreau qui commence un parcours très individuel. Le concept du « pouvoir aux créateurs » se généralise à partir de Villeurbanne, faisant évoluer la décentralisation dans un sens très différent. Ce concept a vidé les théâtres de ses troupes, avec l’appui politique de Michel Guy. Comme le dit Christian Schiaretti dans le documentaire, le pouvoir aux créateurs a transformé les établissements culturels en lieux de production. Cette mutation a entraîné la disparition de la vie artistique de la maison au bénéfice du seul animateur de la maison, qui est un metteur en scène tout-puissant. Or ces établissements n’ont pas été créés par des artistes omnipotents, même Villeurbanne : Roger Planchon ne serait jamais devenu l’artiste que nous connaissons sans les huit artistes qui ont travaillé bénévolement pendant quinze ans. Il faut entendre Isabelle Sadoyan raconter cette aventure dans le film… Roger Planchon doit son succès au dévouement, au sacrifice d’une troupe tout entière.

Pourquoi la notion de transmission est-elle si présente dans ta filmographie ?

J’ai commencé très tôt à faire des films sur l’histoire, en particulier sur la Seconde Guerre mondiale et la déportation. Je me suis intéressé à la transmission de cette histoire au sein des familles et me suis rendu compte que cet axe est un creuset inépuisable : il est un moteur du cinéma, dès lors qu’une relation se crée, puisque la transmission implique une relation entre un don et une réception. Le cinéma est un outil assez unique pour fabriquer de la connaissance, de la transmission de savoirs et d’idées. Tu fabriques du désir, du plaisir et de la connaissance : tel est pour moi le sens du cinéma.

Ces notions de désir, de plaisir et de connaissance se retrouvent aussi dans la fiction. Pourquoi privilégies-tu dès lors le documentaire ?

En tant que fils d’un rescapé d’Auschwitz, mon histoire personnelle rejoint l’histoire qui a marqué le siècle dernier. Je fus très tôt baigné dans cette histoire-là : autant mon père n’a eu de cesse de vouloir comprendre le nazisme et les raisons pour lesquelles il fut déporté, autant j’essaie de comprendre mon époque à l’aune d’événements passés, d’une réflexion plus large sur le monde.

Je veux par exemple savoir pourquoi, lors de la décentralisation, il existait des troupes qui eurent un rayonnement public considérable, même avec des limites évidentes, et pourquoi cela s’est étiolé au fil des décennies. Ce n’est pas de la nostalgie que de dire qu’il existe des choses dans l’expérience de la décentralisation menée par les pionniers qui sont à retrouver pour redonner du sens à notre société aujourd’hui. Car ce n’est certainement pas la logique marchande qui redonnera du sens au théâtre et à la décentralisation ; le sens marchand détruit les sociétés. Robert Abirached le dit très bien dans le film : le théâtre est essentiel en ce qu’il t’aide à lire, à comprendre et à interpréter le monde. Le théâtre comme le cinéma ne sont pas qu’un divertissement, un produit de consommation, ni même un vernis culturel."



Propos recueillis par Pierre Monastier
(Article paru le 30 juin 2017 in www.profession-spectacle.com)
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